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LE POÈTE ASSASSINÉ

toutes nues. L’une était dans l’eau et se retenait à une branche. Il admira ses bras bruns et des appas potelés que l’onde voilait à peine. L’autre, debout sur la rive, s’essuyait après le bain et laissait voir des contours ravissants, des grâces qui enflammèrent Croniamantal ; il résolut d’intervenir auprès de ces filles et de se mêler à leurs ébats. Par malheur, il aperçut dans les branches d’un arbre voisin deux jouvenceaux guettant cette proie. Retenant leur haleine et attentifs aux moindres mouvements des baigneuses, ils ne voyaient pas le cavalier qui, riant de toutes ses forces, lança son cheval au galop et se mit à pousser des cris en traversant le petit pont.

Le soleil était monté et presque au zénith dardait d’insupportables rayons. Aux inquiétudes amoureuses de Croniamantal vint s’ajouter une soif ardente. La vue d’une ferme au bord du chemin lui causa une joie indicible. Il arriva bientôt devant la métairie derrière laquelle était un petit verger que des arbres fleuris rendaient délicieux. C’était un petit bois rose et blanc de cerisiers et de pêchers. Sur la haie, des linges séchaient et il eut le plaisir de voir une ravissante paysanne de près