Page:Apollinaire - Le Poète assassiné, 1916.djvu/196

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
82
LE POÈTE ASSASSINÉ

croniamantal

Hélas ! hélas ! Encore partir, aller jusqu’à l’arrêt océanique à travers les bruyères, les sapinières, dans les tourbes, les boues, les poussières, à travers les forêts, les prairies, les vergers, les jardins bienheureux.

tristouse

Va-t’en. Va-t’en, loin de l’odeur antique de mes cheveux, ô toi qui m’appartiens.

Et Croniamantal s’en alla sans détourner la tête ; on l’aperçut encore longtemps entre les branches, puis, lorsqu’il eut disparu, on entendit longtemps encore sa voix qui allait s’affaiblissant.

croniamantal

Voyageur sans bâton, pèlerin sans bourdon et poète sans écritoire, je suis moins puissant que tout autre homme, je n’ai plus rien et je ne sais rien…

Et sa voix n’arriva plus jusqu’à Tristouse Ballerinette, qui se mirait dans la source.

Dans d’autres temps, des moines défrichaient la forêt de Malverne.

moines

Le soleil décline lentement, et en te bénissant, Seigneur, nous allons dormir au monastère, afin que l’aube nous retrouve dans la forêt.