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LE POÈTE ASSASSINÉ

chantaient à tue-tête en battant des ailes. La coiffure d’une ambassadrice était, lors de la dernière fête de Neuilly, composée d’une trentaine de couleuvres. « Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur ta tête ? » disait avec l’accent dace à la dame un petit attaché roumain qui passe pour avoir du succès auprès des femmes. J’oubliais de vous dire que, mercredi dernier, j’ai vu sur les boulevards une rombière vêtue de petits miroirs appliqués et collés sur un tissu. Au soleil, l’effet était somptueux. On eût dit une mine d’or en promenade. Plus tard, il se mit à pleuvoir, et la dame ressembla à une mine d’argent. Les coquilles de noix font de jolies pampilles, surtout si on les entremêle de noisettes. La robe brodée de grains de café, de clous de girofles, de gousses d’ail, d’oignons et de grappes de raisins secs sera encore bien portée en visite. La mode devient pratique et ne méprise plus rien, elle ennoblit tout. Elle fait pour les matières ce que les romantiques firent pour les mots.

— Merci, dit Paponat, vous m’avez renseigné d’une façon charmante.

— Vous êtes trop aimable, répondit Tristouse.