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LE POÈTE ASSASSINÉ

— C’est bien, dit Croniamantal.

Et revenu chez lui, il réunit les quelques milliers de francs dont il disposait et prit à la gare du Nord le train pour l’Allemagne.

Et le lendemain, veille de la Noël, à l’heure de l’horaire, Je train s’engouffra dans l’énorme gare de Cologne. Croniamantal, une petite valise à la main, descendit le dernier de son wagon de troisième. Sur le quai de la voie parallèle à celle qu’occupait son train, une casquette rouge de chef de gare, des casques à boules d’agents de police et des hauts de forme de notables, démontraient qu’on attendait par le train suivant un personnage d’importance. Et de fait, Croniamantal entendit d’un petit vieillard aux gestes secs dont la femme grasse et étonnée bayait à la casquette rouge, les casques à boule et les hauts de forme ;

« Krupp… Essen… Pas de commandes… Italie. »

Croniamantal suivit la foule des voyageurs amenés par son train. Il marchait derrière deux filles qui devaient être pédauques, tant leur démarche ressemblait à celle des oies. Elles cachaient leurs mains sous des pèlerines courtes ; la tête de la