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LE POÈTE ASSASSINÉ

première s’ornait d’un chapeau minuscule et noir sur lequel étaient piqués des bouquets de roses bleues, tandis que des plumes noires, droites, à tige mince épluchée sauf à la pointe, tremblaient au-dessus comme de froid. Le chapeau de la seconde était de feutre lisse, presque brillant, un nœud énorme de satinette violette l’ombrageait de ridicule. C’étaient probablement deux bonnes sans place, car elles furent happées au passage, pour ainsi dire, par un groupe de dames chamarrées et laides qui portaient des rubans de la Société catholique pour la protection des jeunes filles. Les dames de la Société protestante ayant le même but se tenaient plus loin. Croniamantal, placé maintenant derrière un gros homme à la barbe dure, courte et roussâtre, habillé de vert, descendit l’escalier qui mène au vestibule de la gare.

Dehors il salua le Dôme solitaire au milieu de la place irrégulière qu’il emplit de sa masse. La gare tassait sa masse moderne près de la cathédrale énorme. Des hôtels étalaient des enseignes en langue hybride et proches du colosse gothique, semblaient cependant se tenir à une distance respectueuse. Croniamantal renifla longtemps l’odeur de la ville devant la cathédrale. Il semblait désappointé.