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LE POÈTE ASSASSINÉ

Enfin, marchons vite et joyeusement pour nous préparer une mort glorieuse. »

Le vieux rabbin marcha plus vite ; avec sa longue houppelande, il faisait l’effet d’un revenant, et des enfants qui, après l’arbre de Noël, revenaient de Pützchen, passèrent près de lui en criant d’épouvante, et longtemps ils jetèrent des pierres dans la direction où il avait disparu,

Croniamantal parcourut ainsi une partie de l’Allemagne et de l’empire autrichien ; la force qui le poussait l’entraîna à travers la Thuringe, la Saxe, la Bohême, la Moravie, jusqu’à Brünn, où il dut s’arrêter.

Le soir même de son arrivée, il parcourut la ville. Dans les rues bordées de vieux palais, des Suisses énormes, en culotte et bicorne, se tenaient debout devant les portes. Ils s’appuyaient sur de longues cannes à pommeau de cristal. Leurs boutons d’or luisaient comme des yeux de chat.

Croniamantal ne trouvait plus son chemin ; il erra pendant quelque temps et longeait des mai-