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LE POÈTE ASSASSINÉ

magnificence de la réception que vous m’aviez réservée. Je sais qu’il y a parmi vous des maux que je puis soulager grâce à la science, non pas seulement la mienne, mais celle que les savants ont accumulée depuis des millénaires. Qu’on amène les malades, je veux les guérir. »

Un homme dont le crâne était chauve comme celui d’un habitant de Mycone cria :

« Tograth ! divinité humaine, savantissime tout-puissant, donne-moi une chevelure luxuriante. »

Tograth sourit et dit qu’on laissât cet homme s’approcher, ensuite il toucha le crâne dénudé en disant :

« Ton caillou stérile se recouvrira d’une abondante végétation, mais souviens-toi de ce bienfait en haïssant à jamais le laurier. »

En même temps que le chauve, une fille s’était approchée. Elle implora Tograth :

« Bel homme, bel homme, regarde ma bouche, mon amant, à coups de poing, m’a cassé quelques dents, rends-les-moi. »

Le savant sourit et lui mit un doigt dans la bouche en disant :

« Tu peux mordre maintenant, tu as des dents