Page:Apollinaire - Le Poète assassiné, 1916.djvu/247

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
133
LE POÈTE ASSASSINÉ

« Ce n’est pas seulement de la poésie, dit Tograth, elle est, en outre, idiote. »

Il déchira le papier et le jeta dans le ruisseau, tandis que la fille claquait des dents et assurait d’un air effrayé :

« Bel homme, bel homme, je ne savais pas que ce fût mal. »

À ce moment, Croniamantal s’avança auprès de Tograth et apostropha la foule :

« Canailles, assassins ! »

Des rires éclatèrent. On cria :

« À l’eau, le couillon ! »

Et Tograth, regardant Croniamantal, lui dit :

« Mon ami, que cette affluence ne vous offusque point. Moi, j’aime la populace, bien que je descende dans des hôtels où elle ne fréquente point. »

Le poète laissa parler Tograth, puis il reprit, s’adressant à la foule :

« Canaille, ris de moi, tes joies sont comptées, on te les arrachera une à une. Et sais-tu, populace, quel est ton héros ? »

Tograth souriait et la foule était devenue attentive. Le poète poursuivit :