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LE ROI-LUNE

cœurs enflammés, des cœurs doubles, d’autres emblèmes encore : ctéïs ailés ou non, imberbes ou toisonnés ; phalles orgueilleux ou humiliés, pattus ou prenant leur vol, solitaires ou accompagnés de leurs témoins, ornaient la paroi de tout un blason indécent et capricieux.

J’avançai délibérément dans le couloir où, par une porte sans battant et que fermait à demi un rideau de lourde tapisserie, je vis ce qui se passait à l’intérieur d’une salle dont le plancher était matelassé et recouvert de tapis, de coussins, de plateaux chargés de rafraîchissements. Aux murs et assez bas, quelques vasques que surmontait un robinet avançaient en forme de proue et pouvaient servir de bidet ou de cuvette. La jeune brigade dont j’avais jusqu’alors suivi les déplacements s’était réfugiée dans cette pièce. Ces jeunes gens s’étaient couchés là. Sur le matelas qui couvrait le sol, on voyait encore quelques boîtes de bois. Chacun de ces messieurs en avait une près de lui, d’autres étaient inoccupées ; l’une d’elles, placée près de la porte, se trouvait à ma portée.

Ils furent avant tout attentifs à regarder quelques albums, dont il y avait une profusion ; il me parut de loin que c’étaient des albums de photographies nues : modèles d’académies, hommes, femmes et enfants.