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LE ROI-LUNE

à la fois efféminé et théâtral, la main droite étendue, la gauche sur son cœur, tandis que des sites oraux s’avançait le cortège, il s’écria :

« Royaume ermite ! ô pays du Matin Calme ! l’aube pointe à peine sur ton territoire et déjà de tes couvents montent les prières dont cet appareil précis m’apporte le murmure. J’entends le bruissement des vestes en papier huilé des gens du peuple, l’orage des aumônes pleuvant parmi les bousculades des pauvres gens. Je t’entends aussi, cloche de bronze de Séoul. Dans ta voix on distingue la plainte d’un enfant. J’entends aussi un cortège, il suit son beau seigneur, l’Yang Ban magnifique sur sa selle. Si un jour je porte encore la pourpre pâle qui ne convient qu’à moi, le Roi-Lune, j’irai visiter ton décor et jouir de ton climat que l’on dit délicieux. »

Et tandis que s’élevaient les paroles de celui que je reconnus aussitôt pour être le roi Louis II de Bavière, je vis que l’opinion populaire des Bavarois, qui pensent que leur roi malheureux et fou n’est point mort dans les eaux sombres du Starnbergersee, était juste. Mais les rumeurs lointaines qui provenaient du triste royaume des ermitages me sollicitaient trop pour que je ne me laissasse point aller au charme qui m’arrivait de la terre des