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L’AMI MÉRITARTE

Nous étions là une dizaine de personnes outre Méritarte et sa femme, Le repas fut aussi dramatique que possible : potage funèbre, viandes saignantes, etc. On servit des champignons, dont, je ne sais par quel hasard, je m’abstins de manger. Le plat était copieux et tout le monde s’en régala, sauf moi qui les laissai sur mon assiette. Et bien m’en prit, car, dès la fin du repas, les convives, y compris l’ami Méritarte, pâlirent, se plaignirent de douleurs épouvantables et moururent dans la nuit, empoisonnés par les champignons vénéneux.

Ainsi, la satire de l’ami Méritarte atteignit véritablement son but et tua ceux qui en étaient l’objet, y compris lui-même qui était las de la vie et qui croyait avoir épuisé toutes les ressources de son art.

Pour ma part, j’ai souvent tenté d’initier des cuisiniers à ce sublime culinaire qu’avait découvert l’ami Méritarte, mais ils ne m’ont point compris. De longtemps encore, pensé-je, les tentatives