Page:Apoukhtine - La Vie ambiguë.djvu/143

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Hier, nous avons passé toute la journée dehors. Le soir, quand tout le monde fut endormi, j’ai voulu continuer cette lettre, mais quelque chose m’attirait encore dehors : je me suis enveloppée d’une grande pelisse et suis restée quelques heures dans une sorte de brouillard, sur les marches de la terrasse. Depuis longtemps mon âme n’avait été aussi légère : je respirais avec plaisir cet air pur et vif, et, en même temps, de brillantes étoiles me regardaient avec mystère et douceur ; dans la profonde tranquillité de la nuit on distinguait nettement l’immense murmure des ruisseaux : ils bruissaient tranquillement à droite et à gauche du balcon, et au fond du jardin ils confondaient leurs voix et semblaient me dire : « Entends-tu comme nous courons, comme nous nous hâtons de travailler, et demain il ne restera aucune trace de nous ; crois que tout ce qui t’inquiète et t’afflige maintenant disparaîtra ainsi ; et la vie même s’en ira sans laisser nul vestige. Pourquoi se souvenir, pourquoi se révolter et se tourmenter ? Ne regrette pas le passé ; ne crains pas l’avenir ; sois sans inquiétude ; pardonne et oublie ! »

Ne te moque pas de moi, Kitie ; ne crois pas que je veuille faire du haut style ; je te