Page:Apoukhtine - La Vie ambiguë.djvu/194

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lui à sa dernière heure… Quelle douleur peux-tu comparer à la tienne ? Dis à ton fils… » Le prêtre ne peut continuer, sa voix meurt et, en sanglotant, il s’affaisse. Aussitôt la foule, dix mille personnes, tombe à genoux, et maintenant c’est elle tout entière qui gémit…

Mon cœur était douloureusement fraternel à cette désolation du peuple : je me jetai aussi à genoux et oubliai tout. Quand je revins à moi, l’église était vide, toutes les bougies étaient éteintes ; seule une petite lampe brûlait devant la sainte image de la Reine du Ciel. Sous cette faible lumière, l’expression de son visage changeait : il n’était plus miséricordieux, mais indifférent et peut-être sévère.

Je sortis de l’église avec le faible espoir de rencontrer quelqu’un. Hélas ! autour de moi, même silence et même solitude. Comme auparavant, le ciel était obstinément gris ; comme auparavant tombait une pluie serrée, les feuilles étaient jaunes, et le vent, insupportablement, courbait jusqu’à terre les branches nues des saules et effrayait l’âme par un sifflement monotone.