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VII

Le cadre de mes souvenirs s’élargissait. Devant moi passaient des pays lointains oubliés depuis si longtemps qu’il me semblait ne les avoir jamais vus ; des forêts sauvages et des luttes gigantesques dans lesquelles aux hommes se mêlaient des animaux. Mais c’étaient de vagues croquis, sans aucune image précise. À travers ces tableaux circulait une petite fille en robe bleue, qui depuis longtemps m’était connue. Durant ma dernière existence, elle m’était rarement apparue en rêve, mais toujours ces rêves m’avaient semblé de mauvais augure. Elle avait dix ans ; elle était maigre, pâle, pas jolie, mais ses yeux étaient remarquablement noirs et profonds, et leur expression n’avait rien d’enfantin. Parfois ils exprimaient une telle angoisse qu’à rencontrer son regard je m’éveillais immédiatement