vie, dont je parlerai plus tard me fit prendre ma retraite ; je m’installai à la campagne où je fus choisi comme arbitre territorial.
Notre province était réputée pour la libéralité de ses arbitres, et parmi eux je fus l’un des plus libéraux. Comment cela s’est-il fait, je ne me chargerai pas de l’expliquer à présent ; mais, dans ce temps-là, toutes les opinions étaient mêlées jusqu’au ridicule ; chacun pouvait se dire ce que bon lui semblait. Dans mon enfance, on m’apprenait que le conservateur doit suivre les impulsions du gouvernement, et il arrivait que le gouvernement était plus libéral que la société. Notre gouverneur, jadis l’un des propriétaires les plus cruels, pleurait d’attendrissement au mot d’émancipation. Il est probable que si le gouvernement avait décidé de remettre les paysans en esclavage, ses larmes auraient coulé encore plus abondamment.
Étais-je absolument sincère ? Oui et non, comme dit une dame de ma connaissance, qui veut donner à entendre qu’elle sait tout, mais sans se mettre dans l’embarras.
Il m’arrivait de m’abandonner à de graves réflexions. Prenons, pensais-je, mon oncle Platon Markovitch : jusqu’à l’âge de soixante-dix ans, il fut le plus parfait honnête homme