Page:Apoukhtine - La Vie ambiguë.djvu/241

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appris d’elle l’argot de Paris ; dans tous les coins du salon, on entendait sa voix : « Couci, couça, Madame… En voilà une gaffe par exemple ! » Mais cela ne l’empêchait pas de se tromper sur les genres et de dire : « l’arbre est très belle ». Diable de genres ! il n’arrive pas à s’en tirer : c’est le tendon de cet Achille. Son épouse est une petite femme très modestement habillée et tout à fait nulle. À ses côtés accouraient à tout instant deux fillettes aux longs cheveux blonds qui apportaient des bonbons, des oranges et des petits objets de l’arbre et mettaient tout cela dans un réticule en soie. À peine avais-je échangé quelques mots avec ma nouvelle connaissance que Lydia était devant moi, tenant un petit bonnet de papier rose à la main. Une foule de jeunes personnes s’arrêtaient à deux pas d’elle.

— Voilà Sonia Kozielskaïa (elle baissait la tête et me regardait malicieusement), Sonia Kozielskaïa qui dit que je n’oserai pas vous mettre ce petit chapeau ; j’ai dit que si. Vous ne vous fâcherez pas ?

— Nullement, si cela vous fait plaisir.

— Oh ! comme vous êtes bon. Tante disait vrai. Mais non : ce ne serait pas convenable, et miss Take me gronderait.

— Qui est miss Take ?