Page:Apoukhtine - La Vie ambiguë.djvu/256

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Comme je prononçais le nom de Michel, une voix intérieure, celle de l’expérience de la vie, me dit : « Assez, arrête-toi. » Je n’écoutai pas cette voix, je fis mon possible pour tourner mon rival en ridicule, je parlai de son ignorance, de son manque de cœur ; j’avertis, conseillai, suppliai : en un mot, je jouai ou plutôt je soufflai le rôle d’un amoureux jaloux.

Je regardai Lydia. Son visage exprimait tant d’effroi et de souffrance que je pris peur moi-même.

— Si vous m’aimez un peu, prononça-t-elle en se levant, ne dites jamais de mal de Michel : c’est mon ami.

Et doucement elle quitta la chambre.

Depuis lors tout est changé. Auparavant Lydia aimait que je prisse part à tous les plaisirs de la jeunesse : il lui est désagréable à présent de me voir avec Michel. J’en suis attristé, j’ai perdu ma gaîté, je suis devenu morose, nerveux : aussi Lydia commence-t-elle à m’éviter. Si elle prend avec moi le ton amical d’autrefois, comme hier par exemple, c’est qu’elle a quelque raison ; hier, elle m’a doré la pilule pour que je ne partisse pas avec elle et restasse avec Maria Pétrovna.

Aujourd’hui, je n’aurais pas dû aller à la