Page:Apoukhtine - La Vie ambiguë.djvu/292

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leurs. » Elle-même ne craignait rien, ne prenait aucune précaution, et elle a vécu jusqu’à l’âge de quatre-vingt-cinq ans.

Les hommes qui veulent cacher qu’ils ont peur de la mort disent que ce n’est pas la mort qui les effraie, mais les souffrances qui la précèdent ; ils aiment à répéter le mot si connu : « Ce n’est pas la mort qui m’effraie, c’est de mourir. » Distinction tout à fait vaine. Les souffrances ne viennent pas de la mort, mais des maladies, qui, parfois, ne finissent pas par la mort. Beaucoup de médecins me l’ont dit et je l’ai vu moi-même à la mort de mon unique et bien-aimé frère : quelques heures avant qu’il mourût, sa respiration était régulière, son visage calme, si bien qu’un rayon d’espoir entrait en moi, et, au moment même de la mort, il me jeta interrogativement un regard consterné. Son visage conserva même cette expression jusqu’au moment où je lui fermai les yeux. J’ai songé à lui demander : « Qu’y a-t-il qui t’étonne, mon pauvre Sacha ? est-ce ce que tu vois, ou es-tu étonné de n’avoir rien vu ?

Je suis croyant, — pas assez ; j’ai lu les principales œuvres des matérialistes, — sans me laisser absolument convaincre. Mais je me suis rendu compte que, dans le fond de