couru la maison et d’un pas léger je suis monté dans cette chambre qu’enfant j’occupais avec mon frère. Cette chambre n’a guère changé : une grande table noire entaillée de coups de canif occupe le même coin entre la fenêtre et le poêle ; nos lits d’enfants sont restés côte à côte, seulement le papier est déchiré et la couleur des rideaux des fenêtres est passée. J’ai ouvert une grande fenêtre à laquelle j’étais jadis resté accoudé de longues heures à regarder, pensif, l’orée d’une vieille et sombre forêt qui bleuissait à droite. Les arbres sont coupés et, à leur place, on aperçoit la rivière bleue qu’ils empêchaient de voir autrefois ; le paysage est peut-être plus beau ; mais je regrettais l’antique forêt coupée, et avec soulagement je tournais mes regards à gauche vers les ruines de la vieille cuisine. J’avais dix ans quand on fit construire la cuisine de pierre ; mais près d’elle, à demi-pourris, les débris de la cuisine de bois sont encore là. J’étais heureux que le puits, comblé depuis longtemps, eût été conservé et de voir à l’entrée du potager l’épouvantail en habit noir, placé là jadis pour effrayer les corbeaux, mais qui alors nous effrayait beaucoup plus, Sacha et moi.
Un mois entier s’est écoulé sans que je