Page:Apoukhtine - La Vie ambiguë.djvu/300

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

quart de siècle elle pourrait un peu se calmer et s’adoucir. En tous cas je suis très content qu’avec le groupe prophétique ait disparu tout ou presque tout ce qui me restait de cette pénible période de ma vie ; il ne me reste que les remords de conscience qu’on ne peut envoyer nulle part. La correspondance d’Hélène Pavlovna est la seule tache qui ait assombri le fond clair de ces deux derniers mois. L’impression de ma joie de jour en jour grandit, et elle atteignit son paroxysme quand on m’emmena à Vassilievka. Cette vieille maison plongée dans la verdure des tilleuls et des peupliers, ce grand et vieux jardin dont on pourrait faire plusieurs parcs m’ont ramené au temps inoublié de mon enfance, qui fut gaie et pure.

Nous arrivâmes à Vassilievka dans la nuit. Le lendemain, en me levant, je me mis au balcon fleuri et embaumé d’un buisson entier de roses, et quand ma vieille Palaguéïa Ivanovna m’apporta mon café dans une grande tasse bleue, enjolivée de bergères peintes, je sentis que le poids des lourdes années était tombé de mes épaules. Pendant la route, j’avais senti par moments une grande faiblesse. Les coins familiers me rendaient tout à coup mes forces d’autrefois. J’ai par-