Page:Apoukhtine - La Vie ambiguë.djvu/36

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

et est partie très affligée. Je m’imagine l’importance de ce billet !

Chez nous, il n’y a rien de nouveau : mardi, en revenant du club, j’ai été très étonné de trouver chez le concierge une montagne de cartes de visite : j’avais tout à fait oublié que c’était ton jour.

Le concierge, selon ton ordre, a dit très simplement : « Aujourd’hui, Madame ne reçoit pas. » Je ne comprends pas ton désir d’entourer ton voyage d’un mystère. Si tu étais partie pour cinq jours, il eût été facile de le cacher, mais c’est tout à fait impossible si l’on ne te voit pas durant deux ou trois semaines, et déjà maintenant l’un ou l’autre sait ton départ. Hier, la baronne Vizen, cette Messagère de l’Europe, comme je l’appelle, m’a demandé s’il est vrai que tu sois partie pour recueillir un grand héritage. Nous sommes invités pour demain à un dîner à l’ambassade d’Autriche ; j’ai écrit que tu es indisposée ; mais moi, je suis obligé d’y aller, quelque ennuyeux que ce soit. Dans le monde, on parle toujours beaucoup d’une Société de sauvetage des filles perdues : on veut choisir comme présidente la princesse Krivobokaia ; mais il paraît qu’elle est indécise, parce qu’on ne sait pas encore comment cette Société