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Il ne nous paraît plus possible de tenir compte de ce bon mouvement qui, transférant l’autorité du chef de clan au chef de famille, autoriserait encore le mari à représenter sa femme dans les élections. La femme mariée, aussi bien que la femme célibataire, veuve ou divorcée, doit garder sa propre votation, son suffrage personnel.

Mais, d’autre part, l’état de nos mœurs et de nos institutions ne nous paraît pas autoriser actuellement le législateur à conférer aux femmes l’électorat politique proprement dit. Autant il serait imprudent de ne pas suivre la vie, de refuser l’accession des femmes aux droits qu’elles sont en état d’exercer profitablement, et dans la pratique desquels elles acquerront l’expérience civique nécessaire à tous les membres d’une démocratie, autant il serait dangereux de supposer cette éducation parfaite, et de doubler d’un seul coup le corps électoral formé en 1848.

Le xviiie siècle a proclamé le droit de l’homme, le xixe siècle proclamera le droit de le femme, a dit Victor Hugo. De telles prophéties sont à l’ordinaire risquées. La première Douma de l’empire tentait naguère de la réaliser. Il n’est en tout cas pas douteux qu’une nouvelle révolution se soit faite par l’instruction, par l’industrie. C’est au législateur d’en discerner les effets et de les accorder au droit, s’il veut accomplir, perfectionner, sauver les institutions.

C’est pour entrer enfin dans ce mouvement juridique et social qui entraîne tous les États à forme parlementaire que nous avons l’honneur de vous soumettre la proposition de loi suivante :

Article unique. — Les femmes sont admises à concourir à l’élection des membres des conseils municipaux, des conseils d’arrondissement et des conseils généraux dans les conditions fixées par la loi pour l’exercice de ce droit par tous les Français.

Elles sont inscrites sur les listes électorales selon les mêmes règles.


Le projet de M. Dusaussoy a eu un peu plus de succès que celui de M. Gautret. Il a été longuement discuté, commenté dans tous les Congrès et réunions féministes. Il a même été pris en considération par la Commission du suffrage universel qui a désigné comme rapporteur M. Ferdinand Buisson, lequel est favorable au projet. Voici donc enfin le premier pas fait, — celui qui coûte le plus, dit le vieux proverbe. Pouvons-nous espérer maintenant que le rapport de M. Buisson sera déposé et discuté avant la fin de cette législature ? Peut-être, si nous ne laissons pas les bonnes volontés s’endormir.

Et nous pensons bien qu’au cours de la discussion surgira un projet additionnel accordant aux femmes, non seulement l’électorat en ces diverses matières, mais aussi l’éligibilité.


Le mouvement suffragiste


L’opinion publique qui, au début du mouvement suffragiste, s’était montrée hostile. lui est devenue favorable grâce à une propagande incessante. Il est facile de le constater par les diverses manifestations qui se sont produites depuis un an.


Conseil général de la seine. — En 1886, Mme Hubertine Auclert avait adressé au Conseil général de la Seine un vœu en faveur de la participation des femmes aux droits électoraux. Ce vœu, n’eut, à cette époque, aucun succès.