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contienne les garanties nécessaires pour rendre impossible le retour d’un fléau pareil à celui qui vient de ravager le monde.

Il semble que la générosité naturelle du caractère français soit en train de prendre le dessus sur l’implacable devoir de justice qui s’impose aux vainqueurs de l’Allemagne.

Il semble qu’en haut lieu, on se laisse émouvoir par les plaintes de ce peuple hypocrite de bandits et de barbares qui, au début de la guerre, alors qu’il se croyait sûr de la victoire, martyrisait cruellement et tuait froidement hommes, femmes et enfants, déclarant ouvertement qu’il fallait anéantir la race française.


La Guerre a coûté à la France 1 500 000 de ses meilleurs hommes ; au moins autant sont mutilés et infirmes pour le restant de leur vie. Des milliers de Français sont ruinés et sans toit, des Départements entiers sont anéantis, des centaines de Villes ou de Villages sont détruits ; la France est endettée de plus de 100 milliards par cette guerre criminelle, voulue, préparée et déchaînée par l’Allemagne ; ses usines, ses houillères, ses industries sont ruinées et improductives pour des années ; et, au milieu de toutes ces ruines et de toutes ces désolations, il se trouve, paraît-il, des gens qui osent dire que la France doit seulement rétablir sa frontière d’avant 1870 et se garder de toute annexion qui serait la source d’une nouvelle guerre future !

Ceux qui propagent ces idées ne sont-ils pas plutôt des agents à la solde de l’Allemagne que des Français ? Ont-ils réfléchi que se contenter des frontières de 1870, c’est laisser la France amoindrie, puisque l’étendue de son territoire ravagé et le nombre de ses enfants tués dépassent de beaucoup la surface du territoire et le nombre des habitants recouvrés en Alsace-Lorraine !


Nous, Lorrains, qui connaissons à fond l’Allemand, pour avoir vécu un demi-siècle à son contact immonde, écrasés sous sa botte, nous frémissons d’indignation quand nous entendons prôner de viles idées et nous tremblons pour la France qui, malgré la guerre, ne connaît pas encore le danger allemand tel qu’il est.

Et c’est parce que nous connaissons l’Allemagne et sa duplicité que nous nous permettons de venir vous dire, Monsieur le Président, que si le futur traité de Paix n’impose pas à l’Allemagne une frontière naturelle infranchissable, la France aura subi en vain tous les sacrifices qu’elle a faits dans cette guerre, car, avant dix ans, l’Allemagne se sera réorganisée et se ruera à nouveau sur la France pour venger son échec de 1914 et son humiliation actuelle ; en un mot, la France aujourd’hui victorieuse, aura en réalité perdu la guerre.


En vous disant ces choses, ce n’est pas seulement à l’élan de notre cœur que nous obéissons, de ce cœur si fidèlement attaché à la France et qui la veut Grande et Victorieuse, mais c’est aussi au désir de sauvegarder notre propre sécurité qui va se trouver compromise.

Si la frontière redevient ce qu’elle était en 1870, c’est notre pays qui constituera cette frontière, et quand viendra la prochaine et inévitable ruée allemande, c’est nous alors qui subirons l’invasion allemande avec toutes ses atrocités, — atrocités qui seront d’autant plus barbares que l’Allemagne voudra se venger de l’injure que vient de lui faire l’Alsace-Lorraine