Page:Apulée - Les Métamorphoses, Bastien, 1787, I.djvu/152

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le long des murs de la ville ; et que les fontaines étoient des corps humains, que la magie avoit fondus en eau. Je croyois que bientôt je verrois marcher les statues et les figures des tableaux, que les murailles devoient parler, que les bœufs et autres bêtes alloient prédire l’avenir, et même que, du haut des cieux, les corps radieux du soleil prononceroient tout d’un coup quelque oracle. Ainsi, étonné, et l’esprit occupé par le violent desir que j’avois de voir quelque chose de surnaturel, et n’en voyant aucun indice, ni la moindre apparence, j’allois et venois de tous côtés : enfin, marchant de rue en rue, comme un homme ivre et égaré, je me trouvai sans y penser dans la place du marché.

J’y vis dans le moment arriver une femme, suivie d’un grand nombre de valets : Je m’approchai d’elle avec empressement. La magnificence de ses habits brodés d’or (2), et ses pierreries faisoient assez connoître que c’étoit une femme de qualité. Elle avoit à côté d’elle un homme fort avancé en âge, qui, dès qu’il m’eut apperçu ; vraiment, dit-il, c’est Lucius lui-même ; et il vint m’embrasser, et parla ensuite, sans que j’entendisse mot, à l’oreille de cette dame : Que n’approchez-vous, me dit-il, et que ne saluez-vous votre mère. Je n’ose, lui dis-je, n’ayant pas l’honneur de connoître madame ; et le rouge me montant au visage, je restai les yeux baissés à la place où j’étois. Mais elle, me regardant