Page:Apulée - Les Métamorphoses, Bastien, 1787, I.djvu/178

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homme ; mais vous, mon cher ami, contez-moi, je vous prie, comment vous êtes venu en si peu de temps, de l’isle d’Eubée, et comment s’est passé votre voyage, tant sur terre que sur mer. Sur cela mon brave Chaldéen, encore tout hors de lui-même et sans avoir repris ses esprits : Que tous nos ennemis, dit-il, puissent faire un voyage aussi funeste que le nôtre, et qui ressemble autant à celui d’Ulisse (37) ; car le vaisseau sur lequel nous étions, battu des vents et de la tempête, ayant perdu l’un et l’autre gouvernail, et ayant été jeté sur la côte, s’est abimé tout d’un coup au fond de la mer, et après avoir tout perdu, nous nous sommes sauvés à la nage avec beaucoup de peine ; tout ce que nous avons pu ramasser ensuite, soit par la pitié de ceux que nous ne connoissions point, ou par la bonté de nos amis, est devenu la proie d’une troupe de voleurs. Pour comble de disgrace, mon frère unique, nommé Arisuat, s’étant mis en devoir de se défendre contre eux, a été égorgé à mes yeux.

Pendant qu’il faisoit ce récit d’un air fort affligé, Cerdon ayant repris l’argent qu’il avoit compté pour payer sa prédiction, gagna au pied, et disparut. Alors Diophanes, réveillé comme d’un profond sommeil, s’apperçut du dommage que lui causoit son imprudence, en nous voyant rire à gorge déployée, tous tant que nous étions autour de lui. Mais, quoi qu’il en soit, Seigneur Lucius, je