Page:Apulée - Les Métamorphoses, Bastien, 1787, I.djvu/258

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louanges de tout le monde, moi qui n’ai jamais été accusé du moindre crime, qui ai toujours passé dans mon pays pour un homme d’honneur, et qui ai toujours préféré l’innocence à tous les avantages de la fortune ; et je ne puis comprendre par quelle raison l’on me poursuit en justice, pour avoir puni des scélérats et des voleurs, d’autant plus qu’il n’y a personne qui puisse prouver qu’il y ait jamais eu aucune inimitié particulière (8) entre nous, ni même qu’aucun d’eux me fût connu ; outre qu’on ne peut pas dire que j’aie commis une telle action dans la vue de profiter de leurs dépouilles.

Après que j’eus ainsi parlé, mes larmes recommencèrent à couler ; et dans la douleur qui m’accabloit, tendant les mains tantôt aux uns, tantôt aux autres, je leur demandois grace, et les conjurois de me l’accorder par tout ce qu’ils avoient de plus cher au monde, et par la pitié qu’on doit avoir pour les malheureux. Comme je crus que mes larmes avoient assez excité la compassion de tout le monde, attestant l’œil du Soleil et de la Justice, et recommandant l’évènement de cette affaire à la providence des Dieux, je levai les yeux un peu plus haut, et j’apperçus tout le peuple qui faisoit de grands éclats de rire, et même le bon Milon, cet honnête homme qui m’avoit témoigné une amitié de père, rioit à n’en pouvoir plus, aussi-bien que les autres. Je dis alors à moi-même : Voilà donc la bonne foi, voilà la