Page:Apulée - Les Métamorphoses, Bastien, 1787, I.djvu/434

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puis avoir avec lui ; il faut souvent que j’emploie mes mains délicates à panser les siennes et à mettre des fomentations sur ses doigts endurcis comme des pierres (6) ; je fais plutôt auprès de lui le personnage d’un laborieux médecin que d’une épouse. Enfin, ma sœur, à vous parler franchement, c’est à vous de voir si vous avez assez de patience et de foiblesse, pour supporter une telle différence de Psiché à nous. Pour moi, je vous avoue que je ne puis souffrir, qu’indigne d’un si grand bonheur, elle en jouisse davantage. Souvenez-vous avec quelle fierté et quelle arrogance elle en a usé avec nous, avec quelle ostentation insupportable elle nous a fait voir toutes ses richesses, dont elle ne nous a donné qu’à regret une très-petite partie. Bientôt lasse de nous voir, elle a commandé aux vents, de nous remporter, et s’est défaite de nous d’une manière choquante ; mais je veux n’être pas femme, et cesser de vivre, si je ne la précipite d’une si haute fortune ; et si l’affront qu’elle nous a fait, vous est aussi sensible qu’à moi, prenons ensemble des mesures justes pour la perdre. Ne montrons à nos parens, ni à personne les présens qu’elle nous a faits ; faisons même comme si nous n’avions pu apprendre aucune de ses nouvelles ; il suffit de ce que nous avons vu qui nous cause assez de chagrin, sans aller apprendre à nos parens et à tous leurs sujets la félicité dont elle jouit ; car les hommes ne sont point véritablement heureux, quand