Page:Apulée - Les Métamorphoses, Bastien, 1787, I.djvu/504

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mandement si cruel, reste immobile devant cet affreux tas de grains différens, et croit qu’il est inutile de mettre la main à un ouvrage qui lui paroît impossible. Heureusement une fourmi se trouva là, qui ayant pitié de l’état où étoit réduite la femme d’un grand Dieu, et détestant la cruauté de Vénus, alla vîte appeler toutes les fourmis des environs. Laborieuses filles de la terre, leur dit-elle, ayez compassion d’une belle personne, qui est l’épouse du Dieu de l’Amour ; hâtez-vous et venez la secourir, elle est dans un pressant danger. Aussi-tôt les fourmis accourent de toutes parts, et l’on en voit une quantité prodigieuse qui travaillent à séparer tous ces grains différens, et après avoir mis chaque espèce en un monceau à part, elles se retirent promptement. Au commencement de la nuit, Vénus revient du festin, abreuvée de nectar, parfumée d’essences précieuses, et parée de quantité de roses. Ayant vu avec quelle diligence on étoit venu à bout d’un travail aussi surprenant qu’étoit celui-là : Maudite créature, dit-elle à Psiché, ce n’est pas là l’ouvrage de tes mains, mais bien plutôt de celui à qui, pour ton malheur et pour le sien, tu n’as que trop su plaire : et lui ayant fait jetter un morceau de gros pain, elle alla se coucher.

Cependant Cupidon étoit étroitement gardé dans une chambre, au milieu du palais de sa mère, de peur que, s’il venoit à sortir, il ne vînt retrouver