Page:Apulée - Les Métamorphoses, Bastien, 1787, I.djvu/544

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des viandes que la malheureuse vieille leur avoit apprêtées ; et pendant qu’ils les mangent, ou plutôt qu’ils les dévorent, ils commencent à délibérer entre eux quelle vengeance ils prendroient de nous, et de quel supplice ils nous feroient mourir.

Les opinions furent différentes, comme il arrive ordinairement dans une assemblée tumultueuse ; l’un disant qu’il falloit brûler la fille toute vive ; un autre étoit d’avis qu’elle fût exposée aux bêtes féroces ; le troisième la condamnoit à être pendue ; le quatrième vouloit qu’on la fît mourir au milieu des supplices ; enfin, soit d’une manière ou d’une autre, il n’y en avoit pas un seul qui ne la condamnât à la mort. Un d’entre eux s’étant fait faire silence, commença à parler ainsi.

Il ne convient point aux règles de notre société, à la clémence de chacun de vous en particulier, ni à ma modération, qu’on punisse cette fille avec tant de rigueur, et plus que sa faute ne le mérite. Il n’est pas juste de l’exposer aux bêtes, de l’attacher au gibet, de la brûler, de lui faire souffrir des tourmens, ni même de hâter sa mort. Suivez plutôt mon conseil, accordez-lui la vie, mais telle qu’elle le mérite. Vous n’avez pas oublié, je crois, la résolution que vous avez prise, il y a long-temps, touchant cet âne, qui travaille fort peu, et qui mange beaucoup ; qui faisoit semblant d’être boiteux il n’y a qu’un moment, et qui servoit à la fuite de