Page:Apulée - Les Métamorphoses, Bastien, 1787, II.djvu/197

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cet affreux moulin. O dieu ! quelle espèce d’hommes travailloient là-dedans ; leur peau étoit toute meurtrie de coups de fouet ; ils avoient sur leur dos plein de cicatrices quelques méchans haillons déchirés qui les couvroient un peu, sans les habiller ; quelques-uns n’avoient qu’un petit tablier devant eux ; enfin les mieux vêtus, l’étoient de manière qu’on leur voyoit la chair de tous côtés ; ils avoient des marques imprimées sur le front (12), les cheveux à moitié rasés, et les fers aux pieds ; outre cela, ils étoient affreux par la pâleur de leur visage ; et la vapeur du feu, jointe à l’épaisse fumée des fours, où l’on cuisoit le pain, leur avoit mangé les paupières, et gâté entièrement la vue (13) ; ils étoient avec cela, tous couverts et tous blancs de farine, comme les athlètes le sont de poussière, lorsqu’ils combattent.

Mais que vous dirai-je de mes camarades, les animaux qu’on faisoit travailler dans ce moulin, et comment pourrai-je vous les bien dépeindre ? quels vieux mulets, et quels chétifs et misérables chevaux hongres ! ils étoient là autour de la mangeoire, la tête basse, qui dévoroient des bottes de paille. Ils avoient le cou tout couvert de plaies ; une toux continuelle leur faisoit ouvrir les nazeaux ; les cordes de jonc, avec lesquelles on les attachoit pour tourner la meule, leur avoient entièrement écorché le poitrail ; leurs côtes étoient tellement