Page:Apulée - Les Métamorphoses, Bastien, 1787, II.djvu/199

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dépouillées par la quantité de coups de bâton qu’on leur donnoit continuellement, que l’os en étoit découvert ; la corne de leurs pieds étoit devenue d’une largeur extraordinaire, à force de marcher, et par-dessus tout cela, ils avoient la peau toute couverte d’une gale invétérée.

La peur que j’eus de tomber dans l’état misérable où je voyois ces pauvres bêtes, jointe au souvenir du bonheur dont je jouissois pendant que j’étois Lucius, que je comparois à l’extrémité où j’étois réduit, m’accabloit de tristesse, et la seule chose qui pouvoit m’être de quelque consolation dans la vie malheureuse que je menois, étoit le plaisir que j’avois de contenter ma curiosité naturelle, par tout ce que j’entendois dire, et tout ce que je voyois faire, personne ne se contraignant devant moi. Certainement c’étoit avec beaucoup de raison que le divin auteur de l’ancienne poésie grecque (14), voulant dépeindre un homme d’une sagesse et d’une prudence consommée, a dit : Que ce même homme s’étoit acquis les plus grandes vertus par ses voyages dans plusieurs villes, et par le commerce qu’il avoit eu avec quantité de nations différentes, car j’avoue que je ne laisse pas d’être redevable à ma figure d’âne, de ce qu’étant caché sous cette forme, j’ai éprouvé un grand nombre d’avantures qui m’ont instruit de bien des choses, si du moins elles ne m’ont pas rendu plus sage, et je vais vous conter