Page:Apulée - Les Métamorphoses, Bastien, 1787, II.djvu/311

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ce pouvoit être qui leur causoit un tel dommage. Enfin ne sachant à qui s’en prendre, ils en vinrent à se soupçonner l’un et l’autre de ce honteux larcin, ils y prirent garde de plus près, et comptoient tout ce qu’ils serroient.

A la fin, l’un d’eux perdant toute retenue, dit à l’autre : Il n’est ni juste, ni honnête que vous preniez tous les jours les meilleurs morceaux qui sont ici pour en profiter, en les vendant en cachette, et que vous vouliez cependant que nous partagions le reste également. Si notre société ne vous convient plus, il est fort aisé de la rompre, nous n’en resterons pas moins frères et bons amis ; car je vois bien que les sujets de plainte que j’ai contre vous, venant à s’augmenter par le tort que vous me faites tous les jours, produiront à la fin une grande discorde entre nous.

Certainement, lui répondit l’autre, je loue votre hardiesse, de m’attribuer une chose que vous avez faite, et d’avoir prévenu par vos plaintes celles que je devrois vous faire, et que je renferme en moi-même, avec douleur, depuis long-temps, pour ne pas paroître accuser d’un larcin si honteux un homme qui est mon frère, et qui me doit être cher. Mais je suis bien aise de ce qu’en nous éclaircissant ensemble, nous allons chercher à mettre ordre aux pertes que nous faisons, de peur que notre inimitié croissant par notre silence, ne fasse