la vie d’une si cruelle manière, par la méchanceté de la personne, de qui elle devoit le moins attendre un pareil traitement ; et plein de douleur, de rage et de désespoir, il tombe malade d’une fièvre très-violente, de manière qu’il se trouva lui-même en fort grand danger. Sa femme qui, depuis longtemps, n’avoit plus pour lui les sentimens d’une épouse, et qui n’en méritoit plus le nom, fut trouver un médecin qui avoit la réputation d’être un grand scélérat, et très-fameux par la quantité de personnes qu’il avoit expédiées de sa propre main. Elle lui offrit cinquante mille sesterces, s’il lui vouloit vendre un poison fort subtil pour faire mourir son mari. Après qu’ils eurent fait leur convention ensemble, ils dirent que le malade avoit besoin de prendre cette merveilleuse médecine que les savans nomment par excellence la potion sacrée (13), pour lui adoucir les entrailles, et en chasser les mauvaises humeurs ; mais, au lieu de cette potion salutaire, ils lui en préparèrent une pour lui ôter la vie.
Le médecin étant donc venu apporter ce breuvage bien préparé, et voulant le faire prendre lui-même au malade, en présence de ses domestiques et de quelques-uns de ses parens et de ses amis ; cette femme, avec une effronterie sans pareille, dans le dessein de profiter de l’argent qu’elle avoit promis à ce scélérat, et pour se défaire du complice de son crime, porte la main sur le vase dans le temps qu’il