Page:Apulée - Les Métamorphoses, Bastien, 1787, II.djvu/345

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justice, et qu’elle avoit des crimes affreux à lui révéler. Quantité de peuple s’amasse autour d’elle, et bien-tôt elle est admise à l’audience du gouverneur. Après qu’elle lui eut bien expliqué toute l’histoire des méchancetés abominables de cette cruelle femme, qu’elle venoit de quitter, il lui prend tout d’un coup un étourdissement ; sa bouche, qui étoit encore à moitié ouverte, pour continuer de parler, se ferme, et après avoir fait entendre quelque temps le bruit de ses dents, qu’elle frottoit avec violence les unes contre les autres, elle tombe morte.

Le gouverneur, homme fort sensé et de grande expérience, ne voulut pas différer la punition que méritoit une si grande empoisonneuse. Dans le moment, il ordonna qu’on lui amenât les femmes de chambre de cette détestable créature, dont il arracha la vérité à force de tourmens. Sur leur déposition, il condamna leur maîtresse à être livrée aux bêtes féroces : supplice, à la vérité, moindre encore qu’elle ne méritoit, mais on n’avoit pu en imaginer un plus terrible et plus digne d’une si méchante femme.

Cependant j’étois accablé d’une grande tristesse (15), de me voir destiné à paroître devant tout le peuple, avec une femme comme celle-là, et j’avois souvent envie de me tuer, plutôt que d’approcher d’une créature si odieuse, et de me déshonorer par une telle infamie dans un spectacle