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Page:Arène - Œuvres, 1884.djvu/102

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d’un air curieux, et non sans sourire dans sa large barbe. Pourtant une fois que j’eus fini, il ne sourit plus, et lui-même, d’un air sérieux, me proposa de me faire les honneurs du théâtre.

Nous montâmes ensembles au foyer où jamais je n’aurais eu le courage d’aller tout seul. Là, passant en revue l’assemblée de déesses et de demi-dieux, il me les nomma tous et toutes, petits jeunes gens et grandes dames, cocottes et faiseurs d’affaires, banquiers, gens de ministère et pianistes, tout le personnel des premières représentations.

Il mordait sa moustache à chacun de mes étonnements ; mais quand je lui dis l’histoire de la malle, et l’idée que je me faisais des gens qui se promenaient devant nous, il éclata si fort et rit si longtemps que j’en devins rouge comme mon gilet.

— « Les grands hommes de votre cousin, monsieur Jean-des-Figues ! En voilà un, tenez… fit-il en me montrant un personnage à la physionomie ennuyée qui s’en allait la cravate blanche de travers et courbé dans son habit noir… c’est le seul qui soit ici, je crois, il vient faire son feuilleton pour vivre. »

Ce n’était donc pas pour les poètes qu’était faite la poésie ? Alors, pris d’une tristesse profonde, attristé de voir combien la réalité ressemblait peu aux rêves que j’avais faits, je regrettai de plus belle que Blanquet en s’enfuyant ne m’eût