Page:Arène - Œuvres, 1884.djvu/107

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de Néron. Je le voyais déjà couronné de roses pour regarder Paris flamber du haut de l’impériale. Mais laissant retomber son bras et considérant la grande Ourse avec tristesse :

— « Hélas ! s’écria-t-il en forme de conclusion, les Cimbres en gants jaunes écoutent chanter la Patti, et la terre épuisée n’a même plus de barbares[1] ! »

Tant d’éloquence me transporta.

— « Quel artiste vous devez être, monsieur Bargiban !

— Venu dans un siècle meilleur, j’aurais taillé des statues en plein marbre, et l’on eût dit Bargiban comme on dit Michel-Ange. À présent, reprit-il avec mélancolie en tirant de sa poche quelques menus objets que je ne distinguais pas bien à la lueur du gaz, à présent, quand par hasard je soupe, j’ai soin d’emporter deux ou trois belles écailles d’huître que je taille en camée à la ressemblance des grands hommes mes contemporains. Et maintenant, monsieur Jean-des-Figues, donnez-vous la peine de descendre, nous arrivons chez les poètes. »

Le statuaire Bargiban n’était plus Néron : rivé par la nécessité à la sculpture sur écaille d’huître, il me paraissait un Prométhée.







  1. Ceci avait été écrit et publié deux ans avant la guerre prussienne.