Page:Arène - Œuvres, 1884.djvu/134

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nir du baiser pris sous l’amandier me revint, je me trouvai quelque peu sot, et regrettai le temps perdu.

Heureusement, quatorze ou quinze mois de vie parisienne m’avaient donné sur l’amour auquel je ne croyais plus, et sur les femmes au charme de qui je croyais toujours, des idées commodes et larges. Je songeai au jour où Roset criait de si bon cœur : « Ô l’ensoleillé ! Ô Jean-des-Figues ! » en me jetant des pierres du haut de son mur, et pour éviter cette fois pareille avanie, j’eus soin de lui offrir le bras pour partir. Nivoulas pâlit…

— Seriez-vous jaloux de Roset ? lui dis-je.

— Oh ! non, quelle bêtise !… répondit-il d’une voix étranglée, tandis qu’il s’efforçait de sourire.

Brave Nivoulas ! N’ai-je pas plus tard fait comme lui, et pour la même mademoiselle Roset ? Oui, plus tard, bien des fois des amis m’ont demandé en la montrant : — Est-ce que par hasard tu serais jaloux d’elle, Jean-des-Figues ? Et je leur répondais : Quelle bêtise !… Mais à ce moment je n’osais pas me regarder dans les glaces, de peur d’y voir flotter sur mes lèvres le pâle et lamentable sourire de Nivoulas.

Roset eut comme moi pitié de ce sourire, nous nous comprîmes d’un regard. Elle retourna auprès de Nivoulas rendu à la joie ; moi je m’en allai seul, un peu triste, et fier aussi du sacrifice que je venais d’accomplir. Hélas ! ma vertu comptait sans les caprices de la destinée.