Page:Arène - Œuvres, 1884.djvu/150

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haut pour mener ce train-là, tandis que je suis ici à me cuire au soleil et à travailler comme un satyre ?

« Et tu as le front encore de me demander de l’argent ! D’abord, je te dirai que nous sommes présentement plus désargentés que le ciboire des pénitents gris ; l’orage a fait périr la bonne moitié de nos vers à soie et le reste ne promet guère ; les oliviers tombent fleur avant l’heure ; la vigne a toujours la maladie, sans compter que j’ai dépensé trois cents francs au moins cet hiver à la Cigalière pour relever le bastidon, chercher la source qui s’était perdue et faire couler l’eau.

« Ah ! si tu la voyais maintenant notre Cigalière, toute passée au lait de chaux et luisant de loin dans les figuiers, avec ses murs blancs et ses tuiles neuves ! Si tu voyais la vieille treille remontée sur ses huit piliers, la source, les fleurs, le jardinage, le réservoir sous la fenêtre bien récuré et plein jusqu’au bord, tellement qu’on peut, en déjeunant, toucher l’eau claire de la main ; si tu voyais ce vrai paradis, tu laisserais là, Jean-des-Figues, ton Paris de la malédiction et cette vie de grand seigneur pour laquelle je ne t’ai pas fait, puis t’en revenant à Canteperdrix où il y a du pain et du soleil pour tout le monde, on ne t’empêcherait pas, puisque tu n’es bon qu’à cela, de faire des chansons honnêtement.

« Mais quant à t’envoyer un liard rouillé en sus de ton mois, il n’y faut pas compter, Jean-des-