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Page:Arène - Œuvres, 1884.djvu/151

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-Figues, même si j’avais des écus plein mon grenier. Je ne veux pas me laisser manger vif, et c’est bien assez de ce que je te donne pour l’honneur que tu fais à la famille.

« J’ai l’honneur d’être, en attendant, ton père qui t’aime. »

Et la signature.

À tout autre moment, la lettre m’aurait ému, m’apportant ainsi en pleine mélancolie parisienne un parfum lointain du pays ; mais cette fois je n’en remarquai que l’ironie involontaire. N’était-ce pas bien le cas de venir, comme mon père le faisait, me reprocher mes folles amours et mes débauches, alors précisément que sans argent et sans maîtresse il m’arrivait quelquefois de me consoler du dîner absent en contemplant le bel effet de mon nom sur la couverture d’un livre ?

Quoi ! Jean-des-Figues, m’écriai-je, tu es artiste, c’est-à-dire né pour sentir le plaisir plus finement que le commun des hommes ! Quoi ! tu passes tes jours à chercher le beau sur la terre, après t’être convaincu que le bien ne s’y rencontre nulle part, et que le vrai, si on le trouvait, ferait désormais de la vie, divisée par règles et par chapitres, quelque chose d’aussi joyeusement imprévu qu’un bréviaire ou qu’une grammaire grecque ! Quoi ! tu révères la femme comme la plus suave des fleurs et l’éclosion suprême de la matière ; tu voudrais, afin de mieux t’en réjouir, la voir entourée de toutes les merveilles du luxe, ainsi qu’un camé-