Page:Arène - Œuvres, 1884.djvu/170

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un tel, sans doute… non, un tel… mon vieux Grec de Marseille, peut-être… » Et la voilà échafaudant les plus beaux rêves !

— « Jean-des-Figues, me dit-elle un jour, je l’ai enfin découvert mon homme aux caroubes. »

Cette confidence m’atterra. Roset voulait-elle me faire parler ? ou bien quelque ami indélicat avait-il eu l’idée perfide de s’attribuer l’honneur et les bénéfices de ma galanterie ? L’aventure était cruelle ; mais je me contentai de devenir rouge sans révéler à Roset que l’homme aux caroubes c’était moi.

Une autre fois que j’attendais Roset et que Roset ne venait pas, à deux heures du matin, par une pluie épouvantable, je me souviens d’être allé sous ses fenêtres faire le pied de grue.

— Mon pauvre Jean-des-Figues, me disait Roset le lendemain, il pleuvait si fort hier que je n’ai pas eu le courage de venir. Mais crois-tu qu’avec ce temps-là, un inconnu en manteau brun s’est promené toute la nuit sous mes fenêtres ?

— Pas possible, Roset !

— Puisque je te le dis. »

Et nous rîmes, nous rîmes de cet imbécile !

Cependant notre amour allait s’envenimant.

Roset ne s’arrêtant pas de se marier, je pris des maîtresses par représailles. Peine perdue : Roset eut l’air de trouver cela naturel.

— Ô perversité des femmes ! disais-je.

— Ô sottise des hommes ! aurait pu dire Roset.