Page:Arène - Œuvres, 1884.djvu/200

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tête ; la réponse de mon père fut le verre d’eau froide qui me guérit.

Mais au prix de quelle épouvantable crise ?

Voilà donc mes pressentiments changés en certitude : Roset morte, et comment ensevelie ! Je courus d’une traite à la Cigalière ; et toute la nuit, pleurant Roset, au pied du figuier où les paysans me retrouvèrent à l’aurore, je sentis, avec une bizarre impression de soulagement et de souffrance, le maudit rayon, le rayon de Blanquet qui s’échappait de mon front rafraîchi.

Je fus comme un enfant pendant huit jours. J’avais le délire et je disais, paraît-il, des choses si énormes, que le mariage se rompit pour de bon cette fois. Mon père tremblait en m’en apportant la nouvelle :

— « Ne te désole pas, Jean-des-Figues, rien n’est perdu encore… J’irai voir M. Cabridens…

— Hélas ! répondis-je, à quoi bon ? Sachez, père, que l’on vient au monde avec sa part d’amour au cœur, un morceau d’or grand comme l’ongle. Le métal est le même pour tous et chacun l’emploie à sa guise. Les uns en font un anneau de mariée, les autres, un bijou capricieux pour quelque galant gorgerin. Seulement, une fois la pépite dépensée, c’est bien fini. Moi j’ai tout perdu à Paris, mademoiselle Reine ne trouverait plus rien. »

Mon père ne comprit pas et me crut plus fou que jamais. C’était là, d’ailleurs, l’opinion commune.