Page:Arène - Œuvres, 1884.djvu/31

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sants, chose positivement comique, des plateaux rouillés et des poires en fer.

Ai-je, au péril de ma vie, déniché assez de pigeons dans les trous des tours, et dans les remparts tout dorés au printemps de violiers en fleur qui sentaient le miel ! Pauvres vieux remparts, pauvres vieilles tours républicaines, ils ne nous défendent plus maintenant que de la tramontane et du vent marin ; mais derrière eux, pendant mille ans, nos aïeux se maintinrent fiers et libres. Et dire qu’un avocat libéral voulut un jour les faire détruire ; il les appelait dans son discours, — le misérable ! — des monuments de l’odieuse féodalité.

Mais mon plus grand bonheur était encore l’hiver, au moulin d’huile, quand Blanquet, les yeux bandés, tournait la meule où s’écrasaient les olives, quand l’eau bouillait en grondant, et qu’on voyait à chaque coup de presse un long filet d’or s’écouler dans les bassins. Au milieu de l’âcre fumée, sous cette voûte, claire tout à coup puis subitement replongée dans l’ombre à mesure qu’apparaissait puis s’éclipsait la lampe accrochée à la meule, mon père allait et venait, luisant et ruisselant, entre les groupes oisifs ; et ma mère, debout devant de grandes jarres de terre, écumait l’huile qui montait, jusqu’à ce que, tout recueilli, on lâchât l’eau jaune dans les enfers.

Moi je restais dans mon coin, assis sur les débris des olives pressées, rêvant d’une foule de