Page:Arène - Œuvres, 1884.djvu/68

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Une rainette chantait toujours à cette heure-là dans les prêles d’un vivier abandonné, et quand nous approchions, au bruit de nos pas sur l’herbe, elle sautait à l’eau peureusement. On restait assis quelques instants sur la muraille du vivier, puis on se souhaitait le bonsoir. Monsieur et madame Cabridens se donnaient le bras en s’en retournant ; la robe claire de Reine disparaissait à travers les arbres, et quand le vent ne m’apportait plus le bruit de son pas, j’entendais alors de nouveau la voix mélancolique de la rainette qui recommençait à chanter.

— Et voilà toutes vos amours ? — Non pas, certes ! Nous avions pris, Reine et moi, notre passion au sérieux. Cela nous coûtait beaucoup de peine.

Tout le répertoire du cousin Mitre y passa : on m’écrivit des lettres brûlantes ; j’eus une malle, moi aussi, où je fourrai pêle-mêle des gants usés, des portraits et des pantoufles ; cette chère Reine se compromettait à plaisir, elle ne me refusait rien.

Ne nous donnions-nous pas des rendez-vous, la nuit, près du vivier ! Innocents rendez-vous où la grenouille avait son rôle, car la plupart du temps, ne sachant que faire après avoir contemplé les étoiles, nous nous amusions à lui jeter des cailloux. « Si le monde savait !… » disait Reine qui se croyait fort coupable.

Vous riez ?