Page:Arène - Au bon soleil, 1881.djvu/12

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verre où passent les guides ; ce n’étaient que carrioles haut chargées, roulant et tanguant comme un vaisseau à trois ponts, avec le brancan plus petit qui suit dans un sillage de poussière ; et tous les soirs, aux auberges échelonnées : la Bégude, la Mounine, les Trois Rois, d’interminables repas à pleines tablées faisaient courir les servantes et flamber les fourneaux.

On achève de dîner au « Logis de la grosse Hôtesse » qui est l’endroit où les rouliers descendent dans la petite ville mi-provençale, mais déjà montagnarde de Saint-Domnin. Dîner de gens fatigués, et qu’on prolonge coudes sur table en trempant le traditionnel biscuit de Veynes dans un dernier verre de vin. Quelques-uns des convives s’endorment, le nez dans leurs bras croisés, d’autres proposent d’aller prendre le gloria, n’importe où. À ce moment un homme entre, l’air fort et doux ; il porte sur l’épaule des outils de tailleur de pierre.

— Bonsoir à tous, et la compagnie !

— Tiens, Lenthéric ! comment va, Lenthéric ? Vous prendrez bien avec nous un verre devin et un biscuit.

— Ce serait volontiers, mais la femme m’attend. Je passais, en revenant de la carrière, pour savoir si le cousin n’est pas arrivé.

— Perdigal ? Nous l’avons laissé à Manosque avec un chargement de faïence d’Apt…

— … Et son carmentran ?