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CONTES DE PROVENCE

coup de mistral avait, quinze jours auparavant, démoli la vieille porte, vermoulue dont elle aimait à faire reluire les ferrures ; elle oubliait que, faute de pouvoir la remplacer, ils en étaient réduits, pécaïre ! à fermer leur cabane avec un buisson.

Cependant, Jean Bénistan avait sur le cœur, comme un gros poids, les paroles de Tardive :

« La femme a raison, songeait-il, tout ce qui arrive, n’arrive qu’à cause de moi. Si je l’avais laissée mener la barque tranquillement, sans me mêler de rien, nous serions riches ; la maison aurait une porte, et les petits ne crieraient pas la faim… Maudites jambes, maudits bras ! Que ne me les coupa-t-on en nourrice ?… Mais je sais maintenant ce qui me reste à faire, mes jambes et mes bras n’étant bons qu’à être cassés. »

Alors, profitant de ce que Tardive s’était endormie, il l’embrassa, bien doucement, afin de ne pas la réveiller.