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Page:Arène - Contes de Provence, 1920.djvu/23

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CONTES DE PROVENCE

— ils commençaient d’ailleurs à s’y faire, — étaient allés au lit, sans souper, après avoir entendu pour la vingtième fois, en manière de dédommagement, l’histoire de Jean-de-l’Ours et de ses grands combats avec l’Archi-Diable, la seule que Bénistan connût. Pour comble de malheur, Ganagobi, le chat de la maison, Ganagobi, pourtant si fidèle, avait disparu. De temps en temps, Tardive se levait et appelait : « Ganagobi, Ganagobi !… » dans la direction du village ; mais Ganagobi ne revenait pas, chassé par l’odeur de misère.

C’est là le grand chagrin qui tranchait, l’âme de Tardive ; et c’est ce grand chagrin qui lui avait arraché ce mot de reproche, le seul en sept ans sorti de sa bouche :

« Ah, mon pauvre homme ! mon pauvre homme ! si tu fusses né sans bras ni jambes, notre porte aurait des clous d’or. »

Elle oubliait, la brave femme, qu’un