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CONTES DE PROVENCE

de drap toute neuve que son fils lui avait envoyée de Marseille et qu’elle n’avait jamais osé porter, la trouvant trop belle pour une simple paysanne. Mais pendant sa maladie les voisines l’avaient tant priée et suppliée qu’elle avait consenti à ce qu’on la lui mît lorsqu’elle serait morte. Et la brave femme répétait encore en riant, une minute avant d’expirer :

« C’est là-haut qu’on va être étonné ; personne ne me reconnaîtra plus ; ici les gens m’appelaient la Ravousse, le bon Dieu me dira : Madame Ravous. »

Les plus hardis allaient voir Catignan et la Ravousse exposés devant leur porte (la coutume en durait encore !), sévères et raides avec leurs plus beaux habits, entre les cierges, dans la caisse ouverte que veillaient deux pénitents blancs en cagoule. Mais cela ne nous impressionnait guère. Catignan et la Ravousse étaient des vieux ! pourquoi étaient-ils des vieux ? c’est-à-dire des