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LE SACRIFICE

de mourédus, et me voilà essayant des expériences d’équilibre au grand soleil sur les avancements escarpés, les arêtes coupantes et blanches de la rive.

Mais j’avais trop présumé de mes forces. La danse des rayons dans l’eau, mon attention à regarder, m’ont brouillé les yeux et troublé la tête. L’odeur mêlée des pins résineux et de l’algue, cet air du large que je respire avec délices, achèvent encore de me griser. J’éprouve un besoin de dormir, un irrésistible besoin d’immobilité et de bien-être ; et, ma ligne cédée au colonel, c’est en chancelant comme un homme ivre que je vais m’étendre au fond de la barque amarrée en un creux de falaise.

La barque se balance au clapotis du flot et gémit. Sur ma tête, cachant le soleil, surplombe une voûte humide, incrustée de sel, où des cailloux luisent, où vivent des patelles, où, sur l’immobile ligne d’étiage, des mousses aux senteurs amères et des plantes marines ont poussé.

J’ai fermé les yeux.

N’est-ce point ici, dans ce golfe, au plus profond de l’abîme bleu, que disparut, il y a des siècles, avec ses portiques, ses tours de marbre,