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JOURNÉE DE JOIE ET SOIR DE DEUIL

grave ! sans allumer sa pipe. Le lendemain. M. Honnorat a gardé le lit et Saladine s’est alarmée.

— « Gazan couché, Gazan perdu ! répétait-elle en cachant ses larmes, je ne m’y trompe pas : c’est le troisième dans la maison dont j’aurai été la triste habilleuse. »

Hélas ! que Saladine avait raison ! Au bout d’une semaine, malgré nos soins, M. Honnorat s’est éteint, tranquille, presque sans agonie.

Peu d’instants auparavant, très affaibli, mais en possession de toute sa raison, il me faisait mille recommandations à propos des vignes et plaisantait avec Norette. Il ne se plaignait pas de souffrir, mais rester immobile l’ennuyait.

Il a voulu boire ; et, surpris, sans transition aucune, nous nous aperçûmes qu’il délirait. Il croyait être enfant, il parlait de sa mère, et, revivant dans l’éclair d’une vision ses années, il appelait d’anciens amis, partait pour de lointains voyages.

Puis il s’est tu, ma main qu’il serrait s’est glacée.

— « Père ! où es-tu ?… Papa… » sanglotait Norette à genoux.