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LA CHÈVRE D’OR

Les Prieurs, des paysans vêtus en moines, sont venus prendre le cercueil et l’ont porté, se relayant, jusqu’à l’église et jusqu’au cimetière. L’abbé Sèbe chantait les prières. Nous suivions avec patron Ruf et Ganteaume accourus dès la triste nouvelle, avec Peu-Parle et tout le village.

Au retour, j’ai retrouvé Norette, en compagnie de Tardive, dans la chambre où se consumaient les trois cierges, et qu’elle n’avait pas voulu quitter. Le soleil entrait par la fenêtre grande ouverte, caressant du même rayon le lit sur lequel M. Honnorat venait d’expirer, et le front pale de ma femme, ses yeux pleins de larmes, mais agrandis, animés déjà par l’étonnement et l’orgueil des premières maternités. Quel que soit l’excès de douleur, la vie proteste contre la mort, et toujours à la trame de nos deuils se mêle celle de nos joies ! Alors, songeant au pauvre mort qui ne verrait plus ce soleil, qui ne connaîtrait pas ce petit-fils d’avance tant aimé, j’ai senti soudain tout mon courage s’évanouir, et, venu pour consoler, j’ai pleuré moi-même.